L’institut Vavilov , le grenier de l’humanité


L’Institut Vavilov est la plus ancienne et l’une des plus grandes banques de semences végétales au monde. Fondé à Saint-Pétersbourg en 1894, cet établissement étatique doit son nom à un botaniste et généticien visionnaire : Nikolaï Vavilov. Grâce a son extraordinaire collection de légumes, fruits, céréales, et tubercules, certains pays comme la France viennent s’y approvisionner.

L’Institut Vavilov abrite une collection de 327 000 échantillons de graines, boutures, pollens, bourgeons et greffons de plantes cultivées ou sauvages. Cette banque de semences a été créée bien avant l’utilisation des engrais et pesticides de synthèse par le biologiste du même nom. C’est la quatrième plus grande des 1700 banques de gènes nationales de la planète, mais la plus complète de la planète. En effet, 40 % de la collection date d’avant la seconde guerre mondiale, et 80 % est introuvable ailleurs, ayant en partie disparu depuis le début du XXe siècle à cause de l’industrialisation de l’agriculture qui a entrainé la destruction des sols et de la vie microbienne. Ces semences ont la particularité d’être non transformées, et donc très résistantes.

VAVILOV banque des graines
La banque de graines de l’Institut

Né en 1887 dans une famille riche mais dans une Russie en famine, son fondateur Nicolaï Vavilov voit mourir en bas âge trois de ses frères et sœurs; ce drame le sensibilise très jeune à la nécessité d’améliorer les conditions sanitaires de la population et, dès sa sortie du collège, il cherche à apprendre une science «directement utile à la société». Il entre ainsi à l’Institut agro­nomique de Moscou d’où il sort diplômé en 1911, primé pour sa thèse sur les limaces de jardin. Il se passionne rapidement pour « l’immunité végétale« , tout en ramenant des échantillons des spécimens de toutes les plantes qu’il rencontre. En 1920, il est nommé à la tête de l’institut Pansoviétique de Botanique Appliquée et des Nouvelles Cultures, qu’il dirige jusqu’en 1940. Afin de remplir son laboratoire de semences pour les étudier, il sillonne le monde et mène 15 expéditions dans 64 pays, en Europe, en Asie et en Amérique. Sous sa direction, l’Institut compte jusqu’à 20 000 collaborateurs et des dizaines de stations agronomiques réparties sur tout le territoire de l’URSS. Infatigable travailleur, Vavilov ne dormait que 3h30 par nuit. Convaincu que la biodiversité agricole est la pierre angulaire d’une meilleure sécurité alimentaire pour l’humanité, il avait compris très tôt les dangers liés à l’érosion génétique.

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Nicolaï Vavilov

Aujourd’hui, 120 personnes travaillent à l’Institut. Car les semences étant vivantes, il faut les régénérer tous les deux à dix ans en fonction des cultures. Des fonctionnaires de l’établissement mettent donc en terre une partie du stock dans l’une des 11 stations d’expérimentation réparties sur le territoire russe, situées majoritairement dans le Caucase. Les plantes grandissent, et de nouvelles graines sont collectées pour être conservées. Une autre technique de conservation, plus moderne, consiste à congeler les semences, ce qui permet de les renouveler moins souvent en pleine terre. La troisième technique, utilisée pour les les greffes, bourgeons de pommier, poirier, ou raisins et pollens, est la cryogénisation, qui fait descendre les semences sous des températures à -185° dans des containers d’azote liquide.

L’Institut organise la redistribution gratuite de ce patrimoine génétique fruitier ou légumier dans plusieurs pays, y compris dans les lieux d’origine d’où il avait parfois disparu. Grâce à ce grenier de l’humanité, de nombreux pays remettent régulièrement au gout du jour des légumes ou céréales anciens et oubliés, dans un but de diversification et d’autonomie alimentaire. C’est ainsi que l’Éthiopie a récupéré une avoine endémique, collectée par Vavilov en 1927 en Abyssinie. La variété avait disparu dans le pays, suite à la révolution des années 1970.

D’autres pays ont à leur tour bénéficié des semences de l’Institut, comme la France. La banque génétique possède en son sein 75 variétés françaises datant du 19ème siècle et ayant disparu depuis. Parmi elles, des plantes très résistantes aux noms évocateurs de « haricots de Lyon », de « chou quintal d’Auvergne », de « haricot beurre du Mont d’or » ou de « maïs de Bresse », un tournesol russe très mellifère à plusieurs tiges et plusieurs fleurs, tout droit sorti du XVIIeme siècle.

La France, au travers d’un collectif lyonnais de chercheurs et d’associations appelé le Collectif Vavilov, contribue également à financer l’Institut russe, dont les subventions annuelles ont considérablement été réduites depuis la chute de l’URSS. Français et russes ont même effectué une expédition ensemble en 2015 dans le Caucase. Suivant à la même méthodologie qu’à l’époque, ils ont collecté en 2015 plus de 300 plantes endémiques qu’ils ont rapportées en France. Un réseau de maraîchers, jardiniers, associations et collectivités territoriales de la région Auvergne Rhône-Alpes font vivre ses semences de variétés anciennes.

Pour porter ses enjeux à la connaissance du grand public, le collectif lyonnais développe aussi un projet de 15 jardins conservatoires répartis sur le territoire français. Le premier a été inauguré en 2016 à Écully (région lyonnaise), au siège social du groupe Seb, l’un des mécènes du projet. Le deuxième jardin a éclos en 2018, dans un espace ouvert au public de la commune d’Épinay-sur-Seine en Seine-Saint-Denis. Et le troisième a été aménagé la même année dans la chartreuse de Neuville, un monastère dans le Pas-de-Calais.

Ironie du sort, le botaniste russe, qui a dédié à sa vie à découvrir l’origine de notre nourriture pour assurer sécurité et autonomie alimentaire, est mort de faim en janvier 1943 dans une prison de Saratov, conséquence de son désaveu par Staline à la fin de sa vie, ayant fait de lui le coupable de la grande famine qui décima 8 millions de personnes en 1933.

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Le jardin d’Ecully en France

 

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